© Uwe Hentschel

Konstantin Notman est le directeur de la start-up OCSiAl

L’entreprise OCSiAl, dont le siège social est encore situé dans des locaux qu’elle loue à Leudelange, est ce que l’on appelle une licorne. Dans le monde financier, une licorne est une entreprise dont la valeur dépasse la barre du milliard de dollars avant son introduction en bourse. C’est ce qu’a réussi l’été dernier la start-up OCSiAl, fondée il y a maintenant une bonne dizaine d’années. Ce succès est aussi énorme que le produit auquel attribuer ce succès est minuscule. En effet, il est ici question d’échelle nanométrique, puisque OCSiAl développe et produit des nanotubes de graphène. Et pour Konstantin Notman, directeur de l’entreprise, les développements réalisés jusqu’ici dans ce domaine ne sont qu’un début. 

Konstantin, que signifie OCSiAl ?

C’est l’abréviation d’Oxygène, Carbone, Silicium et Aluminium. Il s’agit d’éléments chimiques importants et ce sont les quatre plus courants que l’on retrouve dans la croûte terrestre. Nous travaillons actuellement sur les propriétés particulières du carbone, plus précisément ce que l’on appelle les nanotubes de graphène. Le graphène est une modification du carbone. Lorsque nous avons fondé notre entreprise il y a plus de dix ans, nous étions absolument certains qu’il n’y avait alors aucun autre matériau au monde capable de révolutionner la science des matériaux comme les nanotubes de graphène. 

Qu’ont de si particulier ces nanotubes de graphène ?

Nous parlons ici d’un additif pouvant être utilisé pour améliorer de manière spectaculaire - de 70 à 80 % - les propriétés des matériaux qui nous entourent, même avec la plus faible des doses. Et cela vaut autant pour les propriétés mécaniques, électriques que thermiques. 

OCSiAl produit le matériau sous forme de poudre

Le graphène est une structure en deux dimensions, une couche qui mesure seulement un atome d’épaisseur. Les nanotubes de graphène sont des tubes ayant cette structure à paroi simple et formés par catalyse. Dans notre cas, c’est le fer simple sous forme atomique qui sert de catalyseur. Aucune substance dangereuse ou toxique n’est donc utilisée. Les tubes mesurent jusqu’à cinq nanomètres de long et ont un diamètre de seulement 1,6 nanomètre. 

Quel effet a-t-il sur les autres matériaux ?

Par la formation de tubes, le graphène en deux dimensions devient une structure en trois dimensions. Et à l’intérieur d’autres matériaux, comme le polyamide, il améliore la conductivité et la solidité. Il est comparable à une solide armature en acier, mais à l’échelle nanométrique.  De plus, les nanotubes de graphène sont beaucoup plus résistants, plus durables et en même temps plus légers que l’acier. 

Grâce à ses propriétés antistatiques, le graphène est également utilisé dans les revêtements de sol dans le domaine clinique. En raison de cette diversité des propriétés, il existe d’innombrables possibilités d’utilisation, allant de l’amélioration de l’adhérence des pneus à l’augmentation de l’efficacité des véhicules électriques.

Quelle est donc la mission d’OCSiAl ?

Ce que nous faisons : nous avons développé un procédé de fabrication de ces nanotubes qui nous permet de produire le matériau sous forme de poudre en grande quantité et à des prix nettement inférieurs à ce qui était le cas jusqu’à présent. Notre principal site de recherche se trouve à Novossibirsk, en Russie. Cependant, nous prévoyons actuellement de construire à Differdange un grand centre de recherche et développement comprenant des ateliers de production. Nous espérons pouvoir commencer la construction cet été.

L'utilisation optimale des nanotubes de graphène demande beaucoup de recherche

Comment le graphène est-il ajouté aux matériaux ? 

La production de nanotubes de graphène à des prix abordables ne suffit pas à elle seule. C’est pourquoi nos efforts de recherche, développement et production portent déjà sur l’étape d’après. En règle générale, les tubes de graphène ne peuvent pas être adjoints directement au matériau afin d’obtenir les propriétés souhaitées.

Ce n’est donc pas comme une pincée de sel ou de poivre que l’on peut simplement saupoudrer ?

Non, pas du tout. Même les plus petites doses entraînent d’énormes changements dans les propriétés principales. La grande difficulté est de répartir correctement les minuscules nanotubes à l’intérieur des matériaux (polymères par exemple), de manière à ce qu’ils produisent leur effet. Et cet effet doit être présent dans chaque particule du matériau. Parvenir exactement à cela pour chaque matériau nécessite une énorme quantité de recherches. Par conséquent, nous ne produisons pas simplement des nanotubes de graphène, nous les développons également pour leurs domaines d’application respectifs et nous collaborons avec des départements de recherche du monde entier.

L’avantage pour nos clients, qui comprennent notamment des constructeurs automobiles, des fabricants de composants électroniques et des grandes entreprises chimiques leaders sur le marché, c’est qu’ils n’ont pas à changer leurs technologies. Nous leur livrons un produit sur mesure se présentant sous la forme d’un concentré préfabriqué, qui peut ensuite être facilement mélangé à d’autres substances. 

Interview : Uwe Hentschel

Photos : Uwe Hentschel, OCSiAl

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