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Auteur : Kai Dürfeld (pour scienceRELATIONS - Communication scientifique), coauteur : Jean-Paul Bertemes (FNR)
Partenaire interviewée et avis d’expert : Dr Isabel De La Fuente Garcia
Article actualisé le 4 janvier

Près d’un an s’est écoulé depuis que les premiers vaccins contre le SARS-CoV-2 ont obtenu leur autorisation de mise sur le marché. À ce jour, 3,88 milliards de personnes dans le monde présentent un schéma vaccinal complet pour se protéger contre la Covid-19 (9,21 milliards de doses administrées). Jusqu’à présent, la vaccination n’était pas ouverte aux enfants. Après l’autorisation par l’Agence européenne des médicaments (EMA) du vaccin de BioNTech/Pfizer pour les enfants âgés de 5 à 11 ans, le Conseil supérieur des maladies infectieuses (CSMI) a désormais recommandé la vaccination au Luxembourg pour les enfants à risque et ceux qui sont en contact avec des personnes à risque. Et depuis le 23 décembre tous les enfants âgés de 5 à 11 ans peuvent se faire vacciner. 

Les parents seront alors confrontés à une question difficile : dois-je faire vacciner ou non mon enfant contre la Covid-19 ?

Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. D’un côté, il y a les risques liés à la maladie de Covid-19, y compris les éventuels effets secondaires à long terme. De l’autre, il y a l’efficacité et la sécurité des vaccins pour l’organisme de l’enfant. Et il ne faut pas non plus négliger les questions d’ordre sociétal comme l’immunité collective, la fermeture des écoles et les fréquentes quarantaines pour les enfants.

Pour aider les parents dans toutes ces réflexions et la décision qui s’ensuit, nous avons compilé ici les principaux faits. Cet article fait partie d'une série.

Dans la première partie, nous nous pencherons sur la question de la dangerosité du virus pour les enfants.

Dans la seconde, nous examinerons de plus près l’étude sur la vaccination des enfants et, pour finir, nous jetterons un coup d’œil sur la société et replacerons la vaccination des enfants dans ce contexte.

Pour mettre les faits en perspective, nous avons demandé au Dr Isabel De La Fuente Garcia de nous donner son avis d'expert. La pédiatre travaille entre autres comme consultante en maladies infectieuses à la Kannerklinik du Centre Hospitalier de Luxembourg. Elle est également experte permanente du Conseil supérieur des maladies infectieuses auprès du ministère de la Santé du Luxembourg et membre du forum consultatif du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Photo: Dr. Isabel De La Fuente Garcia

Partie 1 : Quels sont les risques liés au virus pour les enfants ?

 

Les formes graves de la maladie sont-elles fréquentes chez les enfants ?

Contracter la Covid-19 est beaucoup moins préoccupant pour les enfants que pour les adultes plus âgés. Isabel De La Fuente affirme :

« Nous savons désormais de façon assez précise que les enfants sont beaucoup moins susceptibles de développer des formes graves de la maladie que les adultes. Chez la grande majorité des enfants, l’infection est asymptomatique ou se manifeste par des symptômes légers, tels que la fièvre ou des maux de tête et des douleurs articulaires. »

Il est difficile d’estimer globalement le nombre d’enfants qui doivent être hospitalisés en raison d’une infection au coronavirus. Notre experte explique :

« Le taux d’hospitalisation dépend entre autres des pays dont nous examinons les données. Nous savons par exemple que le taux d'hospitalisation aux États-Unis, bien que très faible, est plus élevé qu'en Europe. Nous n’avons pas encore d’explication précise pour cette situation, mais elle pourrait par exemple être due à des facteurs de risque plus élevés, comme la prévalence de l’obésité chez les enfants. »

Pour le Luxembourg, elle peut toutefois fournir une indication assez précise du taux d’hospitalisation :

« Au Luxembourg, le système de dépistage est très rigoureux, entre autres à l’école. Il nous a permis de déceler de nombreux cas asymptomatiques et donc d’obtenir des données très précises. Nous les avons analysées plus en détail pour la période allant de mars 2020 à mai 2021 et avons constaté un taux d’hospitalisation de 0,6 % chez les enfants âgés de 0 à 15 ans. En d’autres termes, pendant cette période, quelque 60 enfants ont été hospitalisés pour cause de Covid-19. »

Concernant la situation actuelle dans l’Union européenne, elle affirme :

« Les données de surveillance montrent que les enfants âgés de 5 à 11 ans représentent une part croissante des cas signalés et des hospitalisations dans les pays de l’UE au cours des derniers mois. Bien que le nombre d’hospitalisations ait augmenté dans tous les groupes d’âge au sein de l’UE, la gravité de la maladie de Covid-19 chez les enfants est généralement faible et l’évolution clinique est favorable. »

Concernant les formes graves, qui nécessitent généralement un traitement en soins intensifs, elle ajoute :

« Bien entendu, nous avons aussi vu en Europe que certains enfants développent des formes graves associées à une insuffisance respiratoire. Sur les 65 800 cas symptomatiques de Covid-19 chez des enfants âgés de 5 à 11 ans signalés dans dix pays de l’UE pendant la période où le variant Delta était prédominant, 0,06 % ont dû être traités en soins intensifs. Mais au Luxembourg, nous n’avons pas connu de tels cas. »

Des données provenant d’Allemagne viennent étayer les propos de la pédiatre. Par exemple, la Société allemande des maladies infectieuses pédiatriques (DGPI) estime dans un avis que moins de 1 % des enfants infectés doivent être hospitalisés, dont environ 0,05 % en soins intensifs[i].

D’ailleurs : Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, prenons en guise de comparaison les données de tous les groupes d’âge (pour faciliter la comparaison : les chiffres de l’époque où personne n’était encore vacciné). Ici, la probabilité d’une forme grave nécessitant une hospitalisation est d’environ 10 %. En moyenne, 1,4 % des malades de la Covid-19 se retrouvent en soins intensifs.


[i] DGPI : Deutsche Gesellschaft für Pädiatrische Infektiologie (2021) : Infektions- und Übertragungsrisiken von SARS-CoV-2 und die Morbidität und Mortalität bei Kindern und Jugendlichen – Einfluss von saisonalem Verlauf, Virusvarianten und Impfeffekten (données du 15/09/2021). Disponible en ligne à l’adresse  https://dgpi.de/sars-cov-2-risiken-kinder-einfluss-saisonalem-verlauf-virusvarianten-impfeffekt/ (date de dernière actualisation : 16/11/2021, date de dernière consultation : 16/11/2021).

Quels sont les problèmes causés par la Covid-19 chez les enfants ?

L’un des problèmes les plus graves que la Covid-19 peut provoquer, notamment chez les enfants, c’est le PIMS (paediatric multisystem inflammatory syndrome, en français syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique). Quelques semaines après avoir surmonté une infection au SARS-CoV-2, le système immunitaire de l’enfant concerné s’active de façon démesurée. Cela se traduit par de la fièvre, des troubles gastro-intestinaux et des éruptions cutanées. Le système cardiovasculaire est souvent touché[i]. Concernant la situation au Luxembourg, Isabel De La Fuente déclare :

« Au cours de la maladie, de graves complications peuvent survenir chez les enfants, l’une d’entre elles étant le PIMS. Selon nos estimations ici au Luxembourg pour les enfants âgés de moins de 15 ans, on recense un cas sur 2 000 infections. Depuis le début de la pandémie jusqu’à aujourd’hui, nous avons eu huit enfants atteints de PIMS. Et il s’agit là des conséquences les plus graves d’une infection au coronavirus que nous ayons vues jusqu'à présent chez des enfants ici au Luxembourg. La moitié des enfants concernés présentaient des problèmes cardiaques et ont dû être traités en soins intensifs, principalement avec des immunomodulateurs. Mais tous les enfants vont bien aujourd'hui. Cela signifie qu’avec le traitement approprié, nous avons maîtrisé le PIMS ici au Luxembourg. »

Mais il existe aussi des problèmes chez les enfants qui ne sont pas liés à l’infection, mais aux mesures prises pour empêcher la propagation du virus. Isabel De La Fuente affirme :

« Nous savons déjà de l’époque prépandémique que la fermeture des écoles et l’isolement des enfants ont des conséquences très graves sur leur état en général, sur leur développement psychologique et également sur leur santé. Nous disposons à ce sujet d'études réalisées par le passé. Maintenant, nous possédons aussi des données de la pandémie et celles-ci montrent une hausse des problèmes psychologiques chez les enfants, comme les troubles de la concentration, la dépression et la perte de motivation. Nous, les pédiatres, sommes bien entendu très inquiets face à ce constat. »

« La disparition des interactions sociales, la fermeture des écoles, l’arrêt d’autres activités comme le sport, la musique, l’art ou la culture créent des lacunes dans l'apprentissage et l'éducation. Et les données montrent que non seulement les dépressions chez les enfants ont augmenté au cours des derniers mois, mais aussi le nombre de tentatives de suicide. »

Pour les enfants, il serait donc très important, pour les raisons que je viens d'évoquer, que la pandémie prenne fin rapidement. Ce sera le cas lorsque l’immunité au sein la population sera suffisamment élevée - qu’elle ait été acquise par la vaccination ou par l’infection - de sorte que la proportion de personnes qui développent des formes graves est suffisamment petite pour que nos systèmes de santé ne soient plus surchargés. À partir de ce moment, le virus n’est plus pandémique, mais endémique. Il devient local et ne provoque plus qu’un léger état grippal chez la plupart des gens.

Quelle est la probabilité qu’un enfant meure des suites du coronavirus ?

Outre la probabilité réduite de formes graves, le taux de mortalité est également plus faible chez les jeunes patients atteints de Covid-19 que chez les adultes. Notre experte affirme à ce sujet :

« Il est très difficile d’indiquer un taux de mortalité exact, car il dépend de nombreux facteurs. Mais au Luxembourg, nous pouvons dire qu’actuellement, aucun enfant n’est décédé de la Covid-19. À l’échelon européen, il existe un taux de mortalité estimé qui est d’environ un cas sur un million d’enfants malades. »

Vue d’ensemble : En Allemagne, le RKI signale que moins de quatre enfants sur 100 000 meurent de la Covid-19[ii]. La proportion d’enfants qui ont été hospitalisés dans ce pays pour une infection au coronavirus était inférieure à 1 %. Pour 100 000 infections décelées, cela représenterait 1 000 hospitalisations. Parmi ces cas d’hospitalisation, quelque 5 % des enfants seraient admis en soins intensifs. D’un point de vue purement mathématique, cela représenterait 50 jeunes patients en soins intensifs pour 100 000 infections détectées. Environ 0,3 à 0,4 % des enfants hospitalisés sont décédés à ce jour. Cela correspondrait à trois à quatre décès pour 100 000 infections détectées ou un taux de mortalité par cas de 0,003 à 0,004 %.

D’ailleurs : Si l’on considère tous les groupes d’âge, le taux de mortalité par cas en Europe est d’environ 1,78 %. Cela signifie que sur 100 000 cas confirmés de Covid-19, quelque 1 780 personnes sont décédées à ce jour. Là aussi, un nombre élevé de cas de Covid-19 non détectés ferait baisser le taux de mortalité calculé. Il serait toutefois toujours bien plus élevé que celui des enfants.

 

[i] Roessler, Martin; Tesch, Falko; Batram, Manuel; Jacob, Josephine; Loser, Friedrich; Weidinger, Oliver et al. (2021) : Post COVID-19 in children, adolescents, and adults: results of a matched cohort study including more than 150,000 individuals with COVID-19. DOI : 10.1016/j.prrv.2020.08.001

[ii] RKI (2021) : RKI - Coronavirus SARS-CoV-2 - Todesfälle nach Sterbedatum (11/11/2021). Disponible en ligne à l’adresse https://www.rki.de/DE/Content/InfAZ/N/Neuartiges_Coronavirus/Projekte_RKI/COVID-19_Todesfaelle.html (date de dernière actualisation : 16/11/2021, date de dernière consultation : 16/11/2021).

Quelle est la fréquence du Covid long chez les enfants ?

Lorsqu’une personne présente des symptômes qui persistent plusieurs mois après une infection au SARS-CoV-2, on parle généralement de « Covid long ». La fréquence à laquelle les enfants sont touchés n’est pas encore vraiment élucidée, mais elle fait l'objet de recherches intensives. Notre experte dit à ce sujet :

« Je pense que les enfants peuvent développer un Covid long. Mais ce n'est pas un phénomène très répandu. De plus, il n’y a pas encore suffisamment d’études sur le Covid long chez les enfants. La plupart des études ne comprennent pas de groupe de contrôle composé d’enfants qui n’étaient pas atteints de Covid-19. Très souvent, seuls les enfants ayant été malades ont été interrogés sur les symptômes qu’ils ressentaient encore douze semaines après l'infection. Cela a pour conséquence que ces études sont très différentes dans leurs conclusions. Certaines d’entre elles affirment que le Covid long ne se manifeste que rarement chez les enfants. D’autres études menées chez un groupe de participants plus restreint parlent en revanche d’un taux de Covid long d’environ 50 %. Les quelques études qui ont fait appel à des groupes de contrôle ont toutefois mis en évidence de très faibles taux de Covid long chez les enfants, et deux de ces études n’ont décelé aucune différence entre les enfants malades et ceux qui n’avaient jamais contracté la maladie. »

Une étude récente de l’hôpital universitaire de Dresde, qui n’existe pour l’instant que sous la forme de prépublication non encore examinée par des pairs, permet de tirer des conclusions sur la fréquence : les enfants et les adolescents eux aussi présentent certains des symptômes figurant généralement parmi ceux du Covid long, tels que la fatigue, des douleurs dans la gorge et la poitrine, la toux, des difficultés respiratoires ou des problèmes mentaux jusqu’à trois mois après un test positif au SARS-CoV-2. Toutefois, une proportion moins importante d’enfants malades est confrontée à ces symptômes que chez les adultes[i].

 

[i] Roessler, Martin; Tesch, Falko; Batram, Manuel; Jacob, Josephine; Loser, Friedrich; Weidinger, Oliver et al. (2021) : Post COVID-19 in children, adolescents, and adults: results of a matched cohort study including more than 150,000 individuals with COVID-19. DOI : 10.1101/2021.10.21.21265133

Ce type d’études se heurtent toutefois à certaines difficultés. Ainsi, il y a eu des symptômes dont se plaignaient non seulement les participants testés positifs, mais aussi le groupe de contrôle non infecté, par exemple les maux de tête et la fatigue. Il n’est bien entendu pas exclu que les groupes de contrôle dans de telles études incluent des enfants chez lesquels une infection antérieure au coronavirus n'a tout simplement pas été détectée. Mais il se pourrait aussi que certains symptômes soient provoqués par les mesures de lutte contre la pandémie, comme la fermeture des écoles ou l’interdiction des contacts[i]. Isabel De La Fuente connaît également ce problème :

« Bien sûr, nous avons des enfants qui présentent des symptômes à long terme comme la fatigue, la dépression ou des problèmes respiratoires. Mais ces symptômes peuvent avoir d’autres causes que la Covid-19, par exemple, la situation pandémique associée à une diminution de l’activité physique et des interactions sociales. Mais d'autres infections pourraient également en être responsables. Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de plus de données et de plus d’études pour pouvoir évaluer plus précisément les effets à long terme de la Covid-19 chez les enfants. Mais malgré tout, je pense que le Covid long ne constitue pas un problème majeur chez les enfants et qu’il est moins fréquent que chez les adultes. »

Conclusion : Contracter la Covid-19 est beaucoup moins préoccupant pour les enfants que pour les adultes plus âgés. Mais il arrive aussi que des enfants développent des problèmes de santé. Et comme le virus circule beaucoup parmi les enfants, il est possible que des cas problématiques se présentent dans ce groupe d’âge. Les enfants souffrent en outre beaucoup des mesures prises pour lutter contre la pandémie. Plus vite la pandémie se termine, mieux c'est pour les enfants.

Pour que la pandémie prenne fin, il faut une immunisation suffisante de la population - qu’elle ait été acquise par la vaccination ou l’infection - pour que le virus ne soit plus pandémique, mais devienne endémique. Après avoir examiné de près comment la maladie évolue chez les enfants, nous allons voir dans le prochain article ce qu’il en est de la vaccination des enfants. Quelles sont la sécurité et l’efficacité de la vaccination pour les enfants âgés de 5 à 11 ans ? Lisez la deuxième partie de cette série d’articles pour obtenir de plus amples informations à ce sujet.

 

[i] Belousova, Katja (2021): Was verraten neue Daten zu Long Covid? Dans : Panorama, 24/10/2021. Disponible en ligne à l’adresse https://www.zdf.de/nachrichten/panorama/corona-long-covid-kinder-studie-dresden-100.html (date de dernière consultation : 18/11/2021).

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