© Valery Vermeulen

Valery Vermeulen a deux passions : la musique et les mathématiques, plus précisément la physique théorique. Pendant longtemps, il s’agissait pour lui de choisir l’une ou l’autre. En décembre dernier, ce docteur en mathématiques a édité un album qui réunit ses deux passions. L’œuvre musicale, qui s'intitule « Mikromedas AdS/CFT 001 », est en quelque sorte une mise en musique de trous noirs. Mais comme il est impossible de s’en approcher sans être soi-même englouti par ces derniers, les scientifiques sont obligés de recourir à des modèles de simulation. Valery Vermeulen a utilisé des données issues de telles simulations pour son projet. Il ne les a toutefois pas visualisées, mais sonifiées, c’est-à-dire qu’il a converti les données en sons.

Dans « The Sound of Data », le mathématicien et musicien électronique joue donc un rôle très particulier. Ainsi, différentes données ont été collectées dans le cadre du projet Esch2022 à l’Université du Luxembourg et au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Il s’agit de données sur le trafic, de données historiques, de données de scanner corporel 3D et de données collectées via une action de crowdsourcing. La tâche de Valery Vermeulen consiste d’une part à convertir une partie des données en éléments musicaux avec lesquels travailleront ensuite des musiciens sélectionnés pour le projet. En outre, l’expert en sonification accompagnera également les musiciens sur le plan technique dans le cadre de ce projet. Le 3 décembre, le résultat de cette expérience sera présenté à la Rockhal. Valery Vermeulen sera également présent sur scène.

Il expliquera toutefois comment il procède exactement à sa « data sonification » dès le 1er mai, à 18 heures, lors d’une conférence-performance tenue à l’occasion de l’événement « Science meets Music ». Le titre de son exposé : « Music, Deep Space and Black Holes », tel est le titre de sa conférence-performance.

Science.lu a réalisé un entretien préalable avec Valery Vermeulen :

Valery, c’est chez toi qu’atterrissent, dans le cadre de « The Sound of Data », toutes les données qui doivent être utilisées pour la sonification. Comment procèdes-tu en premier lieu ?

Eh bien, la première étape consiste d’abord à visualiser les données - dans la mesure du possible. J’aborde donc d’abord la question comme un spécialiste des données, pour voir ce que je peux en faire. Les données de ce projet proviennent en effet de quatre sous-projets scientifiques et sont donc totalement différentes. Certains ensembles de données sont par conséquent plus faciles à gérer que d’autres.

Est-il plus difficile de travailler avec les données 3D du scanner corporel qu’avec les données relatives au trafic ou les données historiques, par exemple ?

Il est très important de savoir si les données ont un lien temporel, comme c’est le cas par exemple pour les données relatives au trafic collectées. Cette composante temporelle facilite la sonification. Et il en va fondamentalement de même pour les données issues du crowdsourcing. En revanche, les données issues du scanner corporel 3D ne comportent pas cette composante temporelle, ce qui explique que la sonification de ces données soit également plus complexe. Et en ce qui concerne les données historiques, nous nous situons un peu entre les deux, car il s’agit aussi de la signification de certains mots et donc de données sémantiques. Nous avons donc affaire à des données qui ne peuvent pas être attribuées aussi clairement.

Les données te suffisent-elles pour cela ou as-tu besoin d’informations supplémentaires sur la manière dont les ensembles de données ont été créés ?

Les données seules me suffisent pour le moment. Mais je dois bien sûr savoir ce qui se cache derrière ces données et, le cas échéant, quelle est leur corrélation avec d’autres chaînes de données du projet en question. Mais comme je suis mathématicien et que j’ai travaillé pendant plus de 15 ans dans le domaine des sciences des données, je sais aussi comment je dois procéder.

Comment prépares-tu les données pour les musiciens ? Sont-elles converties en notes ?

Je regarde d’abord quelles stratégies de sonification sont les plus appropriées et je les expérimente ensuite un peu. Et dans les ateliers que je vais animer, j’aimerais familiariser les participants avec ces stratégies. Ainsi, ils savent ce qu’ils peuvent faire avec les données. Pour cela, j’ai besoin de quelques échantillons représentatifs des données. Il ne s’agit pas pour moi de créer de grandes archives d’échantillons à partir du volume de données. Il s’agit alors plutôt d’une option des participants à l’atelier.

Bien sûr, il serait également possible de convertir simplement les données en notes. Mais je trouve que cette approche n’est pas adaptée à notre époque. Il est assez facile de créer un programme prenant en charge cette tâche. Mais il est bien plus intéressant de plonger le plus profondément possible dans les données afin d’en apprendre également un peu plus sur la structure.

Mais ce n'est pas le seul rôle que tu joues dans The Sound of Data, n’est-ce pas ?

Non, pas du tout. Au cours du projet, j’organiserai toute une série d’ateliers sur une période de six mois, au cours desquels je commencerai par familiariser les musiciens avec la sonification des données et certaines stratégies de sonification. Je donne aux musiciens des instructions pour leurs compositions, qu’ils présenteront le 3 décembre à la Rockhal. En outre, je composerai moi-même une œuvre de 45 minutes à partir des données du scanner corporel et je la présenterai également pour la première fois ce jour-là à la Rockhal. Tout bien considéré, j’assume donc la plus grande partie de l’aspect artistique du projet.

Tu seras bien sûr présent au grand événement de lancement « Science meets Music » le 1er mai à la Rockhal. Qu’est-ce qui attend les visiteurs lors de ta conférence-performance ?

Il s’agit entre autres du travail à l’origine de mon projet Mikromedas, qui a donné naissance à l’album relatif au trou noir. Mais surtout, lors de ma conférence-performance, je m’intéresserai à la manière dont la sonification permet de relier la musique et les mathématiques. Et bien sûr, tout ce que j’explique, je le démontrerai en direct à l’aide d’exemples.

En quoi consiste l’événement Science meets Music ?

 

Le foyer de la Rockhal accueillera de 14 h à 18 h une « Science Fair » similaire par exemple au Science Festival. Familles, enfants et adultes pourront expérimenter, vivre et tout simplement s’amuser dans des ateliers interactifs alliant musique et science. 

Au « Club » de la Rockhal se déroulera un programme parallèle destiné davantage aux adultes. En plus d’un événement de réseautage, sont programmés :

  • une conférence visionnaire de Neil Harbisson, le premier cyborg reconnu capable d’entendre les couleurs à l’aide d’un capteur dans la tête ;
  • une prestation de Neil Harbisson et Pol Lombarte au cours de laquelle les battements de cœur du public seront sonifiés sur scène ;
  • une performance-conférence du musicien et scientifique Valery Vermeulen, qui expliquera comment il génère de la musique à partir de données ;
  • une table ronde sur le thème de l’évènement.

Tu utilises des données scientifiques pour produire de la musique. Dans quelle mesure penses-tu, à l’inverse, que ce processus créatif peut être utile à la science ?

Normalement, les données sont visualisées. Si on les sonifie en plus, on peut parfois découvrir de nouveaux éléments et structures. Je travaille actuellement avec des données corporelles et je dois donc chercher de nouvelles possibilités pour sonifier les données 3D. Il s’agit d’associer la géométrie et le son. Dans mon projet de sonification du trou noir, j’ai dû relever le défi de sonoriser les ondes gravitationnelles qui se produisent lorsque les trous noirs s’unissent pour n’en faire qu’un seul.

Il existait certes déjà des données sonifiées issues de ces trous noirs, mais le son qui en résultait n’était pas aussi inspirant. C’est pourquoi j’ai cherché une nouvelle façon de les sonifier. À cette fin, j’ai dû m’intéresser de plus près à la physique des ondes gravitationnelles, j’ai simulé des processus et je me suis également penché sur des procédures qui n’avaient pas encore fait l’objet de telles recherches. Je n’ai pas fait de découvertes scientifiques importantes à cet égard, mais j’ai trouvé des liens intéressants. Dans mon cas, la sonification contribue donc à aborder la physique d’une autre manière.

Interview : Uwe Hentschel

Tu trouveras toutes les informations sur le Sound of Data ici.

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